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Printemps

Mes bien chers amis …

Cela fait bien longtemps que je ne vous ai pas écrit et je vous dois quelques explications. Voici le récit de mes dernières semaines à Ekaterinbourg.

Le 20 mars dernier, alors que les premiers rayons de soleil annonçaient enfin la saison douce, je me rendais à l’école N°41. Mon ami Aphanasi m’avait présenté à Masha, sa cousine institutrice. Elle enseigne le français à ses écoliers et m’avait alors demandé de faire une petite présentation de la France pour ses élèves. Je passai alors une très bonne après-midi, ravie de répondre aux questions de ces petits oursons curieux et attachants : C’est vrai qu’on mange des grenouilles ? C’est bon les croissants au miel ? Tu sais danser le French Cancan ? …

Les jours suivants, alors que le vent et les derniers flocons ne m’encourageaient pas à me promener, je me donnais entièrement à mon projet pour Boublikovitch. Cela occupait toutes mes pensées et prenait toute mon énergie. J’aimais ce projet, et voulais donner du meilleur de ma créativité. Le soir venu, lorsque la fatigue ne me permettait plus de dessiner, j’éprouvais une étrange mélancolie. Et même les bonnes blagues d’Aphanasi ne dissipaient cette tristesse inexplicable. Mon cœur était aussi changeant que la météo du moment : à un soleil prometteur succédaient la grisaille et la pluie froide et maussade.

Le 18 avril, je découvrai le «syndrôme de la page blanche». J’avais dessiné pendant des jours entiers, et soudainement, je me sentait vidé de toute créativité. Heureusement, Aphanasi avait une fois de plus une excellente idée «Toinou !!!! Aujourd’hui c’est l’anniversaire de Masha ! Allons pique-niquer dans la datcha !». Sitôt dit, nous étions en route dans la petite voiture rouge cerise de Masha.

Nous avons passé une très bonne journée à jouer à cache-cache dans la forêt, et à cueillir les premières fleurs. Avant de nous quitter, j’offras à Masha un petit pot de miel et une jolie carte que j’avais achetée le matin même. Elle représentait un papillon posé sur une rose, avec un joli texte en cyrillique. Malheureusement, je n’avais pas eu le temps de le traduire.

Le lendemain, j’étais à nouveau plongé dans cette mélancolie. Jusqu’à que l’on frappa à ma porte. C’était Liocha, un des écoliers que j’avais rencontrés. Il me tendit une enveloppe jaune pâle : « Pour toi … » Je le remerciai, lui offris un bonbon au chocolat. Puis, lorsqu’il fut parti, je m’assis sur mon lit et contemplai quelques minutes l’enveloppe, avant de l’ouvrir délicatement. La lettre qu’elle contenait sentait le mimosa. Je reconnaissais l’écriture délicate de Masha, que j’avais admirée sur son tableau noir. Voici ce qu’elle m’écrivait :

«Bien cher Toinou,

Merci pour cette jolie carte que tu m’as offerte. Je te remercie du fond du cœur d’avoir eu l’audace de choisir ce texte en particulier. Il s’agit là de mes vers préférés de Pouchkine. Mais sais-tu que c’est une traduction ? Le texte original est en français : le poète parlait très bien ta langue. Voici donc le texte d’origine :

"Avez-vous vu la tendre rose,

L'aimable fille d'un beau jour,

Quand au printemps à peine éclose,

Elle est l'image de l’amour ?»

Depuis que je t’ai rencontré, je sais que tu es l’ours de ma vie. Et j’avais perçu dans ton doux regard que je saurais aussi te rendre heureux. Mais je n’osais pas faire le premier pas. J’avais peur d’être maladroite, et de gâcher les prémices de ce chemin qui nous attend. Merci d’avoir su le faire avec une délicate simplicité.

Enfin, j’ose te le dire, Toinou, je t’aime

Masha"

Je restais coi …. Et tout s’éclairait en mon cœur. J’avais bien eu quelques pensées mielleuses pour Masha, au-delà de notre amitié, mais je les avaient chassées de mon esprit par de multiples faux prétextes : ma timidité, nos différences culturelles, mon faible niveau de russe,… Et cette sombre mélancolie qui m’envahissait, je pouvais l’expliquer à présent : mon cœur avait soif d’aimer Masha, et plutôt que de l’écouter, je l’assoiffais davantage par mes craintes. Heureusement, mes lacunes en russe jouèrent en ma faveur : à mon insu, j’avais déclaré cette flamme que je refusais d’admettre.

Depuis, mon programme journalier a un peu changé… Je continue à travailler passionnément pour le projet de Boublikovitch. Mais à 16h, lorsque tous les écoliers sont rentrés chez eux, je file à l’école N°41. Au passage, je m’arrête dans un petit kiosque où j’achète une rose blanche. Je viens arranger le bouquet posé sur le bureau de la salle N° 16, sous le regard bienveillant d’une oursonne couleur de miel et belle comme le soleil. Et nous partons nous promener, patte dans la patte ...


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